Tribunal de Paris : “le 14 juillet, on essaie de remettre les compteurs à zéro...”
Malgré le soleil estival, pas de vacances pour le tribunal correctionnel de Paris qui voit défiler en cet après-midi de nombreuses comparutions immédiates. A la barre, Mahmadi, 19 ans, encourt une peine de détention pour tirs de mortiers d'artifice sur une voiture de police à Paris, le soir du 14 juillet 2023.
“Tout d’abord, je voudrais présenter mes excuses aux policiers.” A la barre, Mahmadi, grand gaillard de 19 ans, ensemble de survêtement Nike, semble avoir été bien préparé par son avocat. Sur le banc des plaignants, Baptiste et Yoann, de la brigade criminelle, polo et sacoche, accueillent les excuses les bras croisés, le visage fermé, mais sans hostilité. Jugé pour avoir lancé plusieurs mortiers d’artifice sur une voiture de police à Paris, le soir du 14 juillet, Mahmadi encourt une peine de détention.
Plus de peur que de mal : les fusées n’ont pas fait de blessés, grâce au film transparent qui protégeait le pare-brise du véhicule. La présidente décrit une course-poursuite débouchant sur une interpellation musclée, “quasiment du sport de combat” ironise-t-elle.
Nous sommes en début d’audience. La quinquagénaire, lunettes carrés et chignon poivre et sel, est en forme.
Fait notable, elle s’étonne que les policiers, pourtant habitués aux agressions, se soient déplacés pour assister au procès. L’avocat de l’accusation saisit la perche :
“Ils sont venus parce qu’ils en ont marre qu’on leur tire dessus chaque 14 juillet, que ce soit devenu normal, banal. Ils ont eu extrêmement peur!” Il demande réparation pour chacun à hauteur de 800€ pour préjudice moral et 200€ pour les frais de procédure.
De “graves blessures” évitées
Le procureur, dos voûté, se lance avec éloquence dans un long sermon: “je ne sais pas si vous prenez conscience de la gravité de vos actes. On est pas passé loin de blessures très graves! “. Moralisateur, il insiste : “On ne prend pas un mortier dans une caisse comme on prend une canette de coca pour se désaltérer!”.
Il réclame 18 mois avec sursis en probation totale. Et 140 heures d’intérêt général, grinçant : “puisque visiblement, ce jeune homme ne sait pas comment occuper ses vacances!”
Mahmadi tente de se justifier. Il a été gazé par la police, il a voulu riposter : “Je savais que c’était la BAC. C’est un jour dans l’année, on va dire qu’on essaie de remettre les compteurs à zéro, de rendre ce qu’ils nous font. J’ai été pris dans l’euphorie du moment.” La présidente s’agace : “Vous pensez que c’est une façon de faire la fête monsieur?
Malgré une attitude plutôt désinvolte, apathique, le jeune homme reste calme. Son avocat le rappelle, il a commencé par s’excuser : “sur des aveux, on construit de la confiance.“
Il cite ses “énormes qualités”, rappelle que le jeune vient d’un milieu modeste, avec un père “travaillant encore à 70 ans”. Il décrit une personnalité “respectueuse, en CDI, investie dans son travail” (il aide les personnes âgées à faire leurs courses). “Je préfère qu’il passe ses vacances à travailler pour avoir son bac plutôt qu’il s’acquitte de travaux d’intérêt général qu’il remplit déjà par ailleurs”. Misant sur l’empathie des magistrats, il plaide, vibrant : “ne faites pas de ce jeune homme le symbole de violences endémiques”.
Il conclut : “son survêtement est certainement le plus bel accoutrement dans lequel il pouvait se présenter à vous aujourd’hui.”
Le verdict tombe. Pas de prison ferme mais 12 mois avec exécution provisoire, 2 ans de probation, obligation de travail, obligation de dédommagement des victimes. Mahmadi échappe aux travaux d’intérêt général. Un été qui se termine bien.
Camille Principiano