Blues de rentrée et mélancolie canine

L’espace canin du square Réjane, dans le XXe arrondissement, est l’un des rares endroits de Paris où l’on peut promener son toutou sans laisse. Mais en cette matinée grisonnante de la fin du mois d'août, peu sont présents au rendez-vous...

Blues de rentrée et mélancolie canine

Il est trop tard pour être le matin, mais il n’est pas tout à fait midi. C’est l’heure bâtarde, celle à laquelle il n’est décemment pas assez tard pour manger, mais où la faim commence quand même à se faire ressentir.

Petit frère du parc Sarah Bernhardt, le square Réjane jouxte le cours de Vincennes. Comme beaucoup d’autres jardins parisiens, il est modeste. “City stade” au centre, quelques beaux arbres hauts, des équipements de fitness en plein air, il est encerclé par de grands immeubles à la brique rouge typiques de l’est de la capitale. Parfaitement rectangulaire, on le traverse plus qu’on s’y arrête.
La fraîcheur inhabituelle de ce lundi matin, le dernier du mois d’août, n’y est pas pour rien.

On entre dans le square par un petit portillon. Un brugnon est abandonné dans le fouillis de la pelouse.
Le ciel est bas, gris et seuls quelques irréductibles - habitués ou volontaires - se sont décidés à investir les bancs qui longent les flancs du square. Là, deux espaces canins.

Dans celui de gauche, un caniche frisé noir est penché sur une piste. Il renifle le sol sableux, effréné. Il est formel, d’autres chiens sont passés par là. Sa maîtresse, blonde, l’air important, est en visio avec son smartphone. Toute à son interlocutrice, elle ne prête pas attention à l’animal.
Malgré la morosité ambiante, notre canidé libre de toute laisse fait d’abord quelques efforts pour fouler de ses pattes ce terrain de jeu miniature.

Une bande de bambins en gilets jaunes surdimensionnés, hilares de s’être echappés du centre aéré, frôle l’entrée du parc. Notre pépère lève la tête, les yeux brillants. Mais non. Même les pigeons se tiennent à bonne distance du toutou.
Soudain, la maîtresse se lève. Le caniche se redresse. Va-t-elle lancer un bâton? Hélas… Armée d’un petit sachet, elle ramasse le fait d’armes de son compagnon et docile, se dirige en direction des poubelles flambantes neuves du square.

Mélancolie canine

Sur le banc d’en face, une jeune femme, l’air discret, cheveux noirs, frissonne. Elle ouvre un guide de voyage sur la Castille. À contre-courant des travailleurs fraîchement rentrés, elle prépare ses vacances pour septembre.

Assis à quelques mètres de sa maîtresse, la mélancolie commence à gagner notre comparse à pelage sombre. Les copains ne sont pas venus cette fois-ci. Autant rester à la maison! Les corbeaux chipent des morceaux de pain. Ils croassent, fiers de leur butin. Le ciel s’alourdit, menaçant.
Indifférente, une septuagénaire à la doudoune rose fait le tour du square en marche rapide, d’un pas décidé. Permanentée et maquillée, ses bras fendent l’air comme un automate. Elle parle toute seule.

A quelques mètres de là, le caniche désormais définitivement couché aux pieds de sa maîtresse observe le temps s’écouler.
Philosophe ou résigné, c’est selon. Enfin, le verdict tombe : la pluie est froide et peu clémente.
A l’entrée du parc, le vendeur de nectarines observe le ciel, puis son caddie rouge. Il se demande ce qu’il fait encore là…

Reportage réalisé par Camille Principiano